La quête de l’Aigle botté

La quête de l'Aigle botté
14 h 51 min , 1 octobre 2022 4

Quelque part, en Côte chalonnaise…

20 Avril. 11h. Site numéro 1. Une Chouette hulotte donne de la voix, depuis un petit parc privé. Face à moi, un massif boisé et vallonné, typique de la région, où vont et viennent quelques Grives draine. Dominant le paysage, un Aigle botté, clair, cercle longuement. C’est le premier contact de l’année avec ce fascinant petit rapace…

01 Mai. 9h39. De retour sur le site n°1 par une belle matinée ensoleillée. C’est à cette heure précise que le premier Aigle prend son envol. Encore un oiseau clair.
10h25, enfin, un deuxième Aigle botté – un sombre cette fois – survole le vallon: j’espère qu’il s’agit bien du couple reproducteur. Pendant cette surveillance, brève apparition d’un Circaète Jean-le-Blanc, puis peu après, d’un Autour des Palombes: ce n’est plus la fête du travail, c’est la fête des rapaces ! Alors qu’une moto pétarade dans le bois, je note également au passage la première Tourterelle des bois.

15 Juillet. 7h45. Site n°1. Avant de regagner mon spot de surveillance, je décide de faire une balade dans le bois. A deux reprises, j’entends le roucoulement sourd d’un Pigeon colombin dans la hêtraie. Pas d’autres cris.
9h. Je suis posté depuis seulement quelques minutes, et voilà qu’un Aigle botté déboule dans mon champ de vision avec une proie dans les serres. Il crie – sans doute pour alerter le ou les jeunes – et très vite plonge dans le bois, à mi- pente, non loin d’une parcelle de résineux… d’où il ressort au bout de quelques secondes, à vide. Enfin l’observation tant attendue ! Non seulement il y a au moins un jeune, mais je viens sans doute de localiser l’emplacement de l’aire.

16 Août. 9h15. Site n°2. J’ai laissé les rapaces tranquilles depuis un mois, il est temps de vérifier comment s’est passé la saison de reproduction. A cette date, les jeunes doivent commencer à prendre leur envol, et surtout, à se manifester par leurs cris caractéristiques. Ce matin, je prospecte un bois calme où un couple d’Aigle se reproduit chaque année, mais dont l’aire n’est pas connue. Certains nids ont été repérés durant l’hiver, mais aucun d’eux n’a été occupé.
Des cris de Grand Corbeau m’accompagnent durant la petite ascension vers le sommet. A la faveur de trouées dans la canopée, j’aperçois de temps à autre des vols d’Aigles adultes.
11h. Après avoir tourné en rond pendant un bon moment, je détecte enfin les cris d’un jeune. Je dois quitter le sentier pour mieux localiser d’où ils viennent. J’aperçois une bête allongée au pied d’un chêne: un Blaireau ! Bizarre, il ne bouge pas à mon approche, et, mauvais signe, frelons (asiatiques), guêpes et mouches tournent autour… C’est bien un cadavre, et sa mort ne doit pas remonter à très longtemps car il est encore intact et ne dégage pas d’odeur forte.


En attendant, les cris du jeune botté s’intensifient et il semble se déplacer. Dans ce feuillage dense, inutile d’aller plus loin, j’enregistre les coordonnées GPS, et retourne sur le sentier.

18 Août. 8h30. Site n°3. Journée grisâtre après une nuit pluvieuse bienvenue. Je donne un coup de longue vue sur les arbres morts de la pente sud-est d’une colline, où habituellement les Aigles aiment se reposer. Rien. Je profite de cette relative fraîcheur pour randonner dans le bois. Le sol est légèrement humide et pour le moment, les moustiques me laissent tranquille. Je fait quelques poses de temps à autre pour prendre le temps d’écouter attentivement. Je fini par être récompensé : de faibles cris d’aigles me parviennent, à l’ouest, depuis une sorte de combe forestière. Encore une fois, je dois quitter le confortable sentier pour progresser au milieu des ronces et des fougères. J’arrive vers une clairière où très vite j’aperçois un Aigle botté clair en vol. Quelques clichés à la volée, c’est un jeune. Il a pris en chasse une buse – à moins que ce soit l’inverse – et va se poser à une centaine de mètres, en lisière. Je peux alors l’observer longuement: il affiche une certaine curiosité, regardant dans toutes les directions. Il est probable que la vue depuis son nid de naissance devait être bien plus étriquée, et qu’il profite de cette nouvelle liberté…

23 Août. 8h30. Site n°1. Il fait déjà très chaud, plus de 30°C. Je reste sagement à l’ombre. De toute manière, le spectacle est déjà commencé: les 2 jeunes Aigles bottés sont très démonstratifs ce matin: vols et cris incessant. Ils ne se gênent pas pour chasser les buses et bondrées de passage. Il est probable qu’une petite fratrie soit plus mobile et téméraire qu’un jeune isolé. De temps à autre, un adulte vient leur rendre visite.

27 Août. 8h30. Site n°2. Je tente une nouvelle fois ma chance sur ce site dont j’apprécie vraiment la tranquillité. Je chemine sur un petit sentier pas très éloigné de l’endroit où j’avais trouvé le cadavre de blaireau. Je suis stoppé net quand mon regard est attiré par une silhouette à ma gauche, à peine visible. C’est un jeune Aigle botté, posé tout près, sur un arbre mort ! Intrigué, il regarde dans ma direction : il a forcément entendu mes pas dans les feuilles mortes, et pourtant, il ne bouge pas. Tout comme moi. Je reste un long moment immobile, le temps que le rapace m’oublie. Et enfin, je peux sortir l’appareil photo du sac pour immortaliser cette rencontre improbable…

21 septembre. 8h45. Dernière visite au site n°1. La date de départ approche pour les jeunes bottés. Cette nuit, un vend du nord est venu rafraîchir les températures. Il est peu probable que les Aigles se manifestent dans le ciel avant la fin de matinée, aussi, je décide de marcher, autant pour découvrir les environs que pour me réchauffer. Comme un petit clin d’œil, ce sont à nouveau les Grives draines qui animent la balade.
9h. En cours de chemin, et alors que je m’apprêtais à m’enfoncer sous le couvert forestier pour rejoindre l’aire supposée des Aigles, une intuition me dicte de prendre un petit sentier que je n’ai encore jamais arpenté. J’avais noté que les rapaces arrivaient souvent de cette direction.
Le chemin se perd dans une sorte de petite futaie où du bois a été coupé il y a un hiver ou deux. En détaillant les arbres les uns après les autres, je remarque un gros oiseau perché à contre jour qui semble me tourner le dos. Je ne rêve pas, c’est bien un Aigle botté, quelle chance ! Sans ce vent fort qui couvre chacun de mes pas, il y a sans doute longtemps qu’il m’aurait repéré et serait parti sans que je m’en rende compte. Au lieu de cela, je peux même l’approcher, quasiment à découvert, en ne le quittant pas des yeux.
9h25. J’ai fini par trouver un bon poste d’affût, derrière un buisson, à une cinquantaine de mètres. Et je reste là pendant une bonne demi-heure, le regardant s’étirer, soigner ses plumes, donner des coups de becs. Et d’un coup, il s’ébroue, fait un léger demi-tour, dévoilant son beau plumage ventral, et au bout de quelques secondes, prend son envol, magnifique.

3 couples reproducteurs donnant 4 jeunes à l’envol (tous clairs), et 3 aires plus ou moins localisées avec précision, et de belles observations à la clé: voilà un bilan 2022 honnête !

4 Réponses

  1. un suivi remarquable en toute discrétion!

  2. Cavey (NOUMEA) dit :

    Un suivi riche et surtout précautionneux
    Bravi et merci pour cela
    Dominique

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